Anticiper les impacts du changement climatique sur l’approvisionnement en oméga-3

Banc de Sardines dans le Golfe du Lion.
Crédit : School of Sardines, Juuyoh TANAKA
Une disponibilité menacée par le changement climatique
Bien qu’existant sur environ 1 % de la surface océanique, les systèmes d’upwelling permettent environ 20 % des captures mondiales de poissons en raison de leur richesse en nutriments. Ces zones, dites des Courants des Canaries, du Benguela, d’Humboldt et de Californie, sont essentielles à la production des acides gras polyinsaturés n-3 à longue chaîne (AGPI n-3 LC), en particulier l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA). L’EPA et le DHA sont faiblement synthétisés par les animaux, dont les petits poissons pélagiques (PPP) et les humains.
Les PPP comme la sardine et l’anchois sont les principaux vecteurs de ces acides gras essentiels vers les humains, accumulés via leur consommation de phytoplancton, premier maillon de la chaîne trophique où ces lipides sont synthétisés. Ces molécules sont cruciales pour la santé des organismes, en particulier pour le fonctionnement du cerveau, du système cardiovasculaire et du système immunitaire. Chez les humains, elles ont été démontrées comme participant à la prévention des maladies neurodégénératives et cardiovasculaires.
Cependant, le changement climatique risque de bouleverser cette dynamique en modifiant la composition des communautés phytoplanctoniques. L’élévation des températures et le changement climatique dans ses autres dimensions risque en effet de favoriser des espèces de phytoplancton moins riches en oméga-3, entraînant une diminution de leur concentration dans l’ensemble du réseau trophique. Parallèlement, l’exploitation des stocks de PPP et l’augmentation de la demande en oméga-3, due à une forte croissance démographique et au développement de l’aquaculture, accentuent la pression sur cette ressource.
Une baisse de la disponibilité des oméga-3 pourrait donc avoir des répercussions directes sur l’état nutritionnel des poissons, mais aussi sur la qualité de l’alimentation humaine. L’aquaculture dépend largement des PPP pour la fabrication de farines et d’huiles riches en EPA et DHA. Si ces tendances se confirment, elles pourraient à terme affecter la santé publique, notamment dans les régions où la consommation de poissons est une source clé d’oméga-3. D’ici 2040, l’offre mondiale d’oméga-3 pourrait ainsi devenir insuffisante pour répondre aux besoins alimentaires et industriels. Cette problématique est encore peu intégrée dans les stratégies de gestion des ressources marines.
Une approche interdisciplinaire pour anticiper l’avenir
Face à cette menace, le projet OMEGA s’appuie sur une approche scientifique interdisciplinaire intégrant observations in situ, expérimentations, modélisation, économie et analyses sociologiques, afin d’évaluer l’influence de l’offre et de la demande en omega-3 dans un contexte de changement climatique, sur les populations de petits pélagiques. En utilisant le golfe de Gascogne comme site d’étude de référence, les scientifiques développent une méthodologie innovante qui sera ensuite appliquée aux principaux systèmes d’upwelling (Humboldt, Benguela, Canaries, Californie).
Il s’agit 1) d’analyser la variabilité spatio-temporelle de la teneur en oméga-3 de plusieurs espèces de petits pélagiques, 2) de comprendre comment les changements environnementaux influencent leur physiologie et leur comportement, 3) d’anticiper les impacts sur les stocks et l’approvisionnement en omega-3 pour les humains, 4) d’explorer les effets des méthodes de pêche et de transformation sur la qualité des oméga-3, en étudiant l’impact des engins de pêche, de la saison, de la durée des marées, du stockage et du lieu de débarquement et enfin 5) de compléter l’étude d’un volet sociologique pour analyser la perception des pêcheurs et des consommateurs, notamment sur la relation entre les changements environnementaux et la consommation d’oméga-3.
Un projet aux enjeux multiples pour l'avenir
Le programme OMEGA, grâce à une approche interdisciplinaire, vise à anticiper les fluctuations des stocks de petits poissons pélagiques et leur valeur nutritionnelle. En combinant études écologiques, analyses biochimiques et modélisation prédictive, les chercheurs développent des indicateurs permettant de mieux comprendre l’évolution des populations de sardines et d’anchois, mais aussi d’évaluer la qualité des acides gras qu’ils contiennent.
Les résultats du projet ont été présentés lors du colloque TRANSPEL, au cours duquel 17 communications sont issues pour tout ou partie du projet OMEGA.
En savoir plus en vidéo (par IRD Le Mag ‘) : https://www.youtube.com/watch?v=IQ6yIyPLOao&t=3s et https://www.youtube.com/watch?v=un5LGi0iyh4