Disparition d’Yves Sillard, premier président de l’Ifremer
Yves Sillard a inscrit son parcours professionnel aux deux confins de la Terre, acteur à la fois de la conquête spatiale comme de l’exploration des profondeurs de l’océan. Son nom restera associé à quelques-unes des plus belles aventures scientifiques françaises des dernières décennies, du programme Concorde, à la construction du centre spatial de Kourou en Guyane et au lancement de la première fusée Ariane, ou encore aux premières plongées du Nautile, l’un des premiers sous-marins scientifiques habités au monde, capable de descendre jusqu’à 6000 mètres de profondeur.
La tête dans les étoiles
Ce Normand, né à Coutances en 1936, a successivement fréquenté les bancs de l’Ecole polytechnique puis de l’Ecole supérieure aéronautique (Supaéro). Devenu ingénieur général de l’armement, il a aussi appris le pilotage.
Après un passage au Secrétariat général de l’aviation civile (SGAC-programme Concorde), il a intégré le CNES (Centre national d’études spatiales) avant d’être nommé directeur du Centre spatial de Guyane (CSG) puis directeur des lanceurs et enfin directeur général (de 1976 à 1982) auprès d’Hubert Curien. Pour l’anecdote, Yves Sillard est également à l’initiative de la création du GEIPAN (Groupement d’études et d’information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés), un service du CNES qui a tout récemment inspiré la série à succès OVNI.
Cap sur l’océan
Une fois ce long tête-à-tête avec les étoiles accompli, Yves Sillard a mis son esprit curieux au service d’un autre univers largement inexploré : l’océan. Il a pris la direction du Centre national pour l’exploitation des océans (CNEXO) en 1982.
A la manœuvre avec son homologue Jean-Paul Troadec, directeur de l’Institut scientifique et technique des pêches maritimes (ISTPM) pour conclure le mariage entre les deux instituts, il a été le premier président de l’Ifremer. « Un organisme unique en Europe qui aborde la totalité des domaines scientifiques touchant aux mers et aux océans » rappelle Patrick Vincent, actuel directeur général délégué de l’Ifremer qui souligne le legs important de l’ancien président à l’identité de l’Institut. « L'Ifremer qui, par ses recherches scientifiques et technologiques, ses innovations et ses expertises, contribue à protéger et restaurer l’océan, à gérer durablement les ressources et milieux marins, et à partager des données et informations marines hérite très largement de l'initiative d'Yves Sillard de regrouper les chercheurs et ingénieurs du CNEXO et de l'ISTPM afin de développer, dès 1984, des programmes intégrés dédiés aux ressources vivantes, à l'environnement et aux recherches océaniques, à l'ingénierie et à la technologie ». Parmi les projets qu’il a soutenus pendant son mandat à l’Ifremer, on peut citer la première campagne du Nautile « Kaïko », du 1er juin au 14 août 1985, dont l’objectif était l’exploration des fosses océaniques et l’étude des phénomènes de sismicité au Japon. On peut aussi penser à la mise au point du SAR (Sonar Acoustique Remorqué) qui a permis notamment la co-découverte de l’épave du Titanic en collaboration une équipe américaine en 1985. Sans oublier l’utilisation des images fournies par les satellites SPOT (alors développés par le CNES) à des fins de gestion du littoral, ouvrant ainsi la voie à l’océanographie spatiale.
Un destin international
En 1989, Yves Sillard a quitté l’Ifremer pour réinvestir les questions liées à l’armement. Il a ainsi été Délégué général pour l’armement de 1989 à 1993 puis a pris des fonctions à l’échelle internationale comme Secrétaire général adjoint de l’OTAN pour les affaires scientifiques entre 1998 et 2001.
Un héritage qui reste d’actualité
A l’heure du départ, il laisse dans son sillage une empreinte indélébile sur les recherches océaniques et sur l’Ifremer. François Houllier souligne que « le parcours d’Yves Sillard trouve aujourd’hui un écho dans tous les projets où l’observation spatiale vient alimenter la connaissance de l’océan et dans France2030, où l’ambition spatiale et l’exploration des grands fonds marins se côtoient » et indique que « l’Institut ne manquera pas de lui rendre hommage à l’occasion des 40 ans de l’Ifremer en 2024 ».