Contamination chimique en Méditerranée : un niveau bas depuis 20 ans mais une vigilance à maintenir

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Campagne SuchiMed : après avoir passé deux mois et demi en mer, les 250 poches de moules disséminées dans les eaux côtières de Méditerranée sont récupérées à bord

Campagne SuchiMed : après avoir passé deux mois et demi en mer, les 250 poches de moules disséminées dans les eaux côtières de Méditerranée sont récupérées à bord.

Petite par la taille, la Méditerranée est au confluent de grands enjeux environnementaux et socio-économiques. Ce trésor de biodiversité est soumis à une activité humaine intense. Pour limiter les effets néfastes liés à cette cohabitation, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et l’Ifremer font front commun pour mieux déceler les contaminants chimiques présents sur ses côtes françaises et contribuer à faire barrage à la pollution. Aujourd’hui, les deux partenaires tirent le bilan de 20 ans de surveillance et affûtent leur stratégie future.

La conclusion du rapport récemment édité par l’Ifremer et l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse est rassurante : la contamination chimique des eaux côtières françaises de la Méditerranée est stable et 90 % des points suivis présentent des niveaux de contamination en-dessous des seuils réglementaires environnementaux. Cette nouvelle encourageante s’appuie sur le décryptage de 20 ans de suivi des réseaux de surveillance.

« Surveiller la contamination chimique en mer est l’un des leviers essentiels pour agir de manière ciblée et efficace sur ses sources à terre, rappelle Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée CorseCe bilan de 20 ans de surveillance nous permet d’évaluer avec précision les effets de nos actions à terre et d’identifier les nouvelles substances chimiques sur lesquelles agir ».

« Le littoral méditerranéen français est l’un des mieux surveillés d’Europe au titre des substances chimiques, note François Houllier, Président-directeur général de l’Ifremer. Notre stratégie s’appuie sur plusieurs réseaux opérés par l’Ifremer parmi lesquels le RINBIO. Ce réseau est unique de par la finesse de son maillage avec une centaine de stations disséminées sur la façade. Aujourd’hui, les voyants sont plutôt au vert mais des points de vigilance persistent et de nouvelles pollutions émergent. Nous maintenons donc notre cap commun pour préserver la Méditerranée et l’élever au rang de mer exemplaire ».

 

Une vigilance de mise sur 10 % des points

20 ans de suivi de la contamination chimique en Méditerranée

20 ans de suivi de la contamination chimique en Méditerranée.

Près des métropoles. Quelques sites bien identifiés au niveau des métropoles régionales comme Marseille, Toulon, Nice, Villefranche et Bonifacio présentent des niveaux de contamination élevés, dépassant parfois les seuils réglementaires environnementaux dans les sédiments. A titre d’exemples, le plomb et les hydrocarbures (hydrocarbures polycycliques - HAP) sont plus présents dans les zones urbanisées car corrélés aux nombreuses activités humaines qui y sont implantées : circulation automobile, activité portuaire, raffinerie, etc.

Près d’anciens sites industriels. Dans certaines zones, les contaminations observées sont liées à un contexte historique comme les fortes concentrations en nickel du Cap Corse, héritage de l’ancienne mine d’amiante de Canari. Prisonnier du sédiment, ce métal peut être libéré dans le milieu marin à l’occasion d’une remise en mouvement du sédiment, avec d’éventuelles conséquences sur la biodiversité.

Mercure et PCB : un duo problématique. Le principal problème réside dans la capacité de ces 2 substances à s’accumuler durablement dans la chaîne alimentaire.

  • Plus de 65 % des roussettes pêchées à la côte et 85 % des sébastes prélevés au large présentent des niveaux de mercure supérieurs au seuil réglementaire sanitaire.
  • Bien qu’interdits en France depuis 1987, les PCB sont toujours présents dans l’environnement avec des valeurs élevées à proximité des secteurs de Fos, de Marseille et dans la rade de Toulon. Les poissons du Golfe du Lion – notamment le rouget et le merlu en zone côtière - sont aussi plus affectés par ces polluants persistants que leurs congénères de Corse.

Innover pour mieux surveiller demain

De retour de la campagne SuchiMed le 7 juillet dernier, les scientifiques ont ramené à terre une nouvelle moisson de données. Ils ont traqué 65 contaminants grâce à des stations artificielles de moules placées sur 70 points situés en mer et 20 dans les lagunes méditerranéennes.

« Connaître l’état chimique des eaux côtières est l’objectif premier de ces campagnes en mer pour répondre aux objectifs réglementaires des directives-cadres européennes sur l’eau (DCE) et stratégie pour le milieu marin (DCSMM) et de la Convention de Barcelonesouligne Marc Bouchoucha, chef de la mission SuchiMed et chercheur en environnement marin au Centre Ifremer de Méditerranée. Mais il est essentiel de mettre ce temps et ces moyens d’exploration au service d’autres problématiques comme les plastiques, la surpêche, le changement climatique… Car tous ces maux se cumulent et affectent la santé de la mer ».

Traquer les contaminants émergents. La présence de nouvelles molécules utilisées dans l’industrie, l’agriculture et toutes nos activités quotidiennes peut impacter le milieu marin. A partir d’échantillons récoltés lors de la campagne SuchiMed, des scientifiques de la faculté de pharmacie d’Aix-Marseille Université pistent par exemple les molécules anticancéreuses potentiellement accumulées par les moules et caractérisent leurs effets. Ces travaux pourraient aboutir au développement de nouveaux filtres d’épuration pour limiter leurs rejets dans l’environnement.

Du plancton aux poissons. Mieux connaître les impacts des contaminants sur la biodiversité marine est un des enjeux majeurs de la surveillance de demain. Des chercheurs de l’Institut Méditerranéen d’Océanologie (Aix-Marseille Université) veulent comprendre comment se font les transferts de contaminants selon les caractéristiques biologiques et les liens alimentaires (proies-prédateurs) des organismes marins. Leurs résultats pourraient conduire à intégrer au protocole actuel de surveillance – qui porte sur le sédiment, les moules et les poissons - de nouvelles espèces « sentinelles ».