Pollution & contamination

Des efflorescences de microalgues précoces : gardez l’œil ouvert !

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Ces eaux mousseuses vertes observées en février près de Doëlan sont issues de la décomposition de la microalgue Mesodinium rubrum, qui a proliféré au large de la Bretagne Sud en plein hiver. Un phénomène si précoce n’avait encore jamais été observé par les scientifiques

Ces eaux mousseuses vertes observées en février près de Doëlan sont issues de la décomposition de la microalgue Mesodinium rubrum, qui a proliféré au large de la Bretagne Sud en plein hiver. Un phénomène si précoce n’avait encore jamais été observé par les scientifiques.

Des eaux de couleur verte ont été observées le 18 février dans la baie d’Audierne (Finistère sud). C’est la première fois que ce phénomène, dû à la prolifération de microalgues, est observé si tôt dans l’année, en plein hiver. Cet épisode exceptionnel rappelle que les efflorescences de microalgues sont imprévisibles et pourraient l’être plus encore dans le contexte du changement climatique. La recherche et la surveillance sont essentielles pour anticiper et limiter leurs impacts potentiels sur la biodiversité marine, les activités et la santé humaine. Et chacun peut y contribuer grâce au programme de sciences participatives Phenomer : si vous tombez nez-à-nez avec une mer colorée (verte, brune, rouge…), signalez-le vite aux scientifiques de l’Ifremer !

D’ordinaire, les eaux colorées apparaissent au printemps, lorsque l’ensoleillement et la température de l’eau atteignent des niveaux propices à la croissance des microalgues. Mais cette année, une nappe de couleur rouge-lie de vin a d’abord été détectée début février au large de la Bretagne Sud sur des images satellites. Une partie de ces microalgues alors en cours de décomposition a ensuite dérivé vers les côtes de Bretagne sud où des eaux vertes ont été observées et signalées mi-février à l’Ifremer. L’espèce en question, Mesodinium rubrum, n’étant pas toxique pour la consommation, ce bloom n’a pas eu d’impact sanitaire.

Image satellite du 20 février 2023 attestant de la présence d’eaux rouges typiques d'un bloom de la microalgue Mesodinium rubrum, autour de l’Ile de Groix (Morbihan)

Cette image prise le 20 février 2023 par le satellite européen Sentinel-2 (programme Copernicus) atteste de la présence d’eaux rouges typiques d'un bloom de la microalgue Mesodinium rubrum, autour de l’Ile de Groix (Morbihan).

L’Ifremer a besoin de vous pour repérer les eaux colorées partout en France

Depuis 10 ans, l’Ifremer a mis en place un programme de sciences participatives unique en Europe, Phenomer, dédié à l’étude des eaux colorées. D’abord centré sur les côtes de Bretagne et des Pays de la Loire, Phenomer s’étend aujourd’hui à toutes les façades maritimes de l’hexagone grâce aux structures relais (sports et loisirs nautiques, associations d’éducation à l’environnement, professionnels de la mer, capitaineries, plaisanciers…) qui ont nouvellement rejoint le programme. Il invite chacun à signaler les phénomènes d'eaux colorées observées sur le site web ou sur l’application. Pour chaque signalement, il est nécessaire de prendre une photo et idéalement de réaliser un prélèvement d’eau pour permettre aux scientifiques d’identifier l’espèce à l’origine du phénomène.

« Nous ne pouvons malheureusement pas effectuer nous-mêmes les prélèvements partout en temps voulu. Les eaux colorées sont éphémères et peuvent être éloignées d’une station Ifremer. C’est pourquoi nous incitons les citoyens témoins d’une eau colorée à en prélever une petite quantité dans une bouteille ou une gourde vide et à l’apporter dès que possible à la station Ifremer ou à la structure-relais la plus proche. Nul besoin de la mettre au frigo, mais l’échantillon est à garder à l’abri de la chaleur et de la lumière. », explique Anne Doner, coordinatrice du programme de sciences participatives Phenomer.

Plus de 550 signalements en 10 ans

En 2022, 53 signalements d’eaux colorées ont été enregistrés, portant à plus de 550 le nombre de signalements en 10 ans. À partir de ces observations, les scientifiques analysent les échantillons, identifient les espèces en cause et mettent en place des projets de recherche.

Fin juillet 2021, une efflorescence de Lingulodinium polyedra dans l’embouchure de la Vilaine a généré de nombreux signalements Phenomer et a été suivie pendant 6 semaines par le réseau de surveillance REPHY. Une publication scientifique parue récemment révèle le caractère exceptionnel de cet épisode par l’importance de son étendue (environ 3200 km2), sa durée et ses concentrations en microalgues inégalées sur nos côtes (jusqu’à 3 600 000 cellules par litre d’eau). Les précipitations inhabituellement élevées de la mi-juillet et l’augmentation conséquente des débits de la Loire et de la Vilaine ont probablement alimenté la croissance des microalgues en leur fournissant des nutriments. De cette efflorescence subsiste probablement une grande quantité de kystes, c’est-à-dire des microalgues en dormance, déposés dans les sédiments. Si les conditions sont à nouveau réunies cette année, d’autres eaux colorées liées à cette espèce pourraient survenir d’ici à la fin de l’été.

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