Ressources minérales

Les amas sulfurés de fond de mer, pas si inactifs !

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Colonies de bactéries (en jaune) autour d’une source hydrothermale peu active de la zone TAG

Colonies de bactéries (en jaune) autour d’une source hydrothermale peu active de la zone TAG.

Dans le cadre de l’exploration d’amas sulfurés sur la dorsale médio-Atlantique, les scientifiques de la mission HERMINE2 ont exploré d’anciennes sources hydrothermales considérées « éteintes ». En plus de vestiges de la biodiversité qui les peuplaient, certaines de ces sources abritaient une activité hydrothermale faible mais toujours capable d’entretenir une vie microbienne. Cette découverte remet en question la frontière entre sites actifs et inactifs et fait naître de nouvelles questions sur la préservation des grands fonds marins.

Dans le cadre du contrat d’exploration pour les sulfures polymétalliques de la dorsale médio-Atlantique accordé par l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM), les scientifiques de la mission HERMINE2 ont embarqué cet été sur le Pourquoi pas ? afin d’étudier les systèmes hydrothermaux réputés « actifs » ou « éteints » de la zone du contrat. Réalisée grâce au financement France 2030 de l’Etat pour les « grands fonds marins », cette mission avait pour objectif d’approfondir les connaissances sur ces environnements profonds et de mieux définir la frontière entre sites actifs et inactifs.

L’équipe s’est rendue sur le site Trans-Atlantic Geotraverse (TAG), un champ hydrothermal situé sur la croute océanique à environ 3645m de profondeur (26°08’N 44°49’O. Etudié depuis plus de 40 ans sur les aspects géologiques comme biologiques, cet îlot de vie est entouré d’anciens sites hydrothermaux dont la plupart étaient considérés comme éteints. Ces sites dits inactifs sont parfois riches en métaux tels que le fer, le cuivre ou le zinc, et constitueraient des cibles prioritaires pour les entreprises qui s'engageraient dans l'exploitation de ressources minérales sous-marines.

Nous avons été surpris de constater que sur certains de ces vieux amas sulfurés, que l’on pensait éteints, il y avait encore des traces d’activité hydrothermale. La température des fluides émanant de ces sources est comprise entre 3.2°C et 30°C alors qu’à cette profondeur, entre 3600 et 3800 mètres, l’eau est normalement aux alentours de 2.6°C. Cette différence de température suffit pour que certaines espèces se développent.

Ewan Pelleter
Co-chef de mission
Spécialiste des minéralisations océaniques

Au-delà de ces anomalies de températures et d’émissions de fluides, l’équipe a en effet mis en évidence la présence de colonies bactériennes à proximité de ces sources faiblement actives. Ces nouvelles observations amènent les scientifiques à reconsidérer les définitions de dépôts sulfurés actifs et éteints, qui doivent s’appuyer sur une meilleure compréhension de l’activité géologique, chimique, biologique et microbiologique de ces sites et de leur expansion spatio-temporelle.

Le site « Pompéi », nouveau vestige d’une vie passée

Le second objectif de la mission consistait à explorer des zones inconnues du contrat, à la recherche de nouveaux sites hydrothermaux actifs ou inactifs. Le long de la dorsale médio-Atlantique (vers 21°N 46°O), les scientifiques ont découvert une source hydrothermale en fin de vie à 2560 mètres de profondeur, au niveau d’un dôme où affleure le manteau terrestre. Baptisé « Pompéi » en raison des sédiments métallifères qui recouvrent les environs comme les cendres d’un volcan, le site est recouvert d’un grand nombre de coquilles vides de bivalves (Abyssogena sp. et Bathymodiolus sp.) et de gastéropodes (Phymorhynchus sp.). Ces restes, répartis sur près de 10 hectares, constituent les reliques d’une activité hydrothermale particulièrement importante et d’une biodiversité foisonnante.

Coquille de Phymorhynchus sp. recouverte de sédiments métallifères, récupérée sur le site de « Pompei »

Coquille de Phymorhynchus sp. recouverte de sédiments métallifères, récupérée sur le site de « Pompei ».

Ce qui nous a surpris en découvrant ces coquilles, c’est que les bivalves Abyssogena n’ont jusqu’à aujourd’hui été observés que sur un seul site de la dorsale Atlantique, situé 700 km au sud, ou sur les zones de suintements froids des marges continentales, à plusieurs milliers de km de la dorsale. On ne sait pas encore depuis combien de temps ces communautés sont éteintes, ni si elles pourraient se développer à nouveau si l’activité hydrothermale se renforçait.

Florence Pradillon
Chercheuse en écologie benthique au laboratoire Environnement Profond de l'Ifremer
Coquilles de bivalves (Abyssogena cf. southwardae) morts sur le site hydrothermal de « Pompei »

Coquilles de bivalves (Abyssogena cf. southwardae) morts sur le site hydrothermal de « Pompei », une source inactive.

Les découvertes réalisées lors de cette seconde campagne d’exploration sur cette zone de la dorsale médio-Atlantique amènent donc de nouveaux questionnements à la fois sur la frontière entre sources hydrothermales actives et sites inactifs, et sur la connectivité des populations qui s’y développent. Une meilleure compréhension de la dynamique de l’activité des sources en fin de vie et de la biodiversité associée est ainsi nécessaire pour en établir une classification plus fiable.

Baptême du fond pour Ulyx

Les missions d‘exploration des grands fonds marins financées par France 2030 associent des objectifs scientifiques et l’utilisation d’équipements innovants construits par, ou en collaboration avec, des entreprises françaises. HERMINE2 a ainsi marqué le premier embarquement sur une campagne scientifique d’Ulyx, le nouveau robot autonome (AUV) grands fonds de la Flotte océanographique française. Conçu par l’Ifremer et fabriqué par l’entreprise Exail, il a réalisé 15 plongées durant cette campagne, au cours desquelles il a été confronté à des environnements complexes et à un usage opérationnel. Ces plongées ont également permis d’identifier ses défauts de jeunesse et le potentiel de progrès sur le plan technique, une étape essentielle pour l’entrée en service de tout nouveau système.

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