Pollution & contamination

Les microfibres rejetées par nos lave-linges perturbent la santé d’organismes marins

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Lave linge
Chaque année, on estime qu'environ 2 millions de tonnes de microfibres sont rejetées dans les océans par les lavages domestiques, les industries du textile ou encore les filets et cordages de pêche. Cette libération massive de fibres microscopiques, synthétiques et naturelles, a des conséquences pour le milieu marin et notamment pour la santé des organismes marins qui peuvent les ingérer. De nouveaux résultats publiés par l’Ifremer dans la revue Environmental Pollution, en collaboration avec le CNRS et les universités de Bretagne occidentale et du Mans, révèlent que les fibres synthétiques et naturelles ont des effets sur le métabolisme des huîtres même à de faibles doses. Les scientifiques ont aussi observé que les fibres naturelles génèrent une inflammation des parois digestives de ces organismes filtreurs et affectent leur système immunitaire de manière plus importante que les fibres synthétiques. La toxicité des microfibres serait davantage liée à la rugosité et à la composition chimique des microfibres plus qu’à leur nature plastique ou non.

Les eaux rejetées par nos lave-linges domestiques sont l'une des principales sources de pollution par les microfibres dans les océans. Si l’on retrouve d’ordinaire en zone côtière beaucoup plus de fibres synthétiques que de fibres naturelles, la situation s’inverse lorsqu’on s’éloigne du littoral. Une étude récente a ainsi révélé que 92 % des microfibres collectées au large dans 6 bassins océaniques du monde sont issues principalement du coton et de la laine. Que sait-on des impacts de ces microfibres sur les organismes marins ?

Dans le cadre du projet européen Interreg Preventing Plastic Pollution, des scientifiques de l’Ifremer, de l’Université de Bretagne Occidentale, du CNRS et de l’Université du Mans ont exposé des huîtres creuses pendant 96 heures à des microfibres textiles naturelles (laine, coton biologique et non-biologique) et synthétiques (acrylique, nylon et polyester) et à leurs additifs chimiques associés. Ils ont étudié la capacité d’huîtres à ingérer ces microfibres et comparer les effets sur leur fonctionnement biologique.

Deux scénarios ont été testés : le premier « réaliste » sur le plan environnemental avec une concentration de 10 microfibres par litre, et un scénario « catastrophe » avec une concentration de 10 000 microfibres par litre.

« Nous n’avons pas observé plus d’effets sur les huîtres exposées à de fortes ou de faibles concentrations en microfibres. Cela suggère qu'une faible dose environnementale est suffisante pour déclencher des effets sur leur santé », explique Camille Détrée, post-doctorante à l’Ifremer au moment de l’étude et aujourd’hui maître de conférence en biologie marine à l’Université de Caen-Normandie. Ce qui nous a surpris en revanche, ce sont les effets délétères qu’ont les fibres naturelles sur la digestion et l’immunité de l’huître. Attention, il ne faut pas en déduire que les fibres naturelles sont plus nocives que les fibres synthétiques. Mais la rugosité de la surface des fibres naturelles est plus importante et provoque vraisemblablement une inflammation plus forte des parois digestives au cours du transit »

Camille Détrée observe au microscope à balayage électronique des fibres textiles utilisées pour les expériences dans le cadre du projet PPP

Camille Détrée observe au microscope à balayage électronique des fibres textiles utilisées pour les expériences dans le cadre du projet PPP.

Ces résultats montrent que la toxicité des microfibres textiles n’est pas uniquement liée à leur nature synthétique ou naturelle. Elle dépend aussi de leurs caractéristiques physiques, elles-mêmes liées au mode de tissage, et de leur composition chimique qui varie selon les recettes et ajouts d’additifs propres aux fabricants.

« Cette étude ne délivre aucune tendance générale sur la toxicité des microfibres mais elle montre que celles d’origine naturelle ne semblent pas moins « impactantes » que les synthétiques sur la santé des huîtres, conclut Arnaud Huvet, biologiste marin à l’Ifremer et co-pilote de cette étude, avant d’ajouter qu’« il est néanmoins important de tenir compte de leur durée de persistance dans l’environnement marin : de quelques semaines ou mois pour les fibres 100 % naturelles, contre des dizaines voire centaines d’années pour les matériaux synthétiques ».