Océan & climat

À quels contaminants chimiques les surfeurs et baigneurs sont-ils exposés lors de leurs activités en mer ?

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Les échantillonneurs passifs, ici placés dans une guêtre, permettent de traquer la présence dans l'eau de mer de métaux, pesticides, filtres UV ainsi que des résidus de médicaments et de produits d’hygiène.

Depuis le mois de juillet dernier, 4 associations de surfeurs, nageurs et plongeurs de la côte Atlantique et de Méditerranée testent le kit d’échantillonnage de contaminants chimiques mis au point dans le cadre du projet CURL. Porté par l’Ifremer, Surfrider Fondation Europe, le CNRS et l’Université de Bordeaux, ce projet original de sciences participatives veut permettre aux pratiquants d’activités nautiques de savoir s’ils sont exposés à des substances chimiques en mer et dans quelle mesure cela peut impacter leur santé.

Surfeurs, nageurs, plongeurs… Ils passent des heures en mer chaque mois, voire chaque semaine pour les plus férus. Conscients que la mer est le réceptacle de nombreuses pollutions anthropiques, ils sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur leur possible exposition à des contaminants chimiques.  Leur pratique a-t-elle des impacts sur leur santé ? Aucune donnée scientifique ne permet de le savoir aujourd’hui, les agences régionales de la santé (ARS) n’évaluant la qualité des eaux de baignade qu’au regard de leur contamination microbiologique (bactéries).

Face à cette préoccupation, Surfrider Fondation Europe se rapproche de l’Ifremer en avril 2020. Farida Akcha, écotoxicologue au centre Ifremer Atlantique à Nantes, leur propose alors une idée : pourquoi ne pas équiper les pratiquants d’échantillonneurs passifs utilisés pour la surveillance de la contamination chimique en mer ?  Le projet Curl est lancé et financé par le LabEx COTE.

C’est un peu la même approche qu’avec les dosimètres utilisés pour évaluer le niveau d’exposition de salariés à des rayonnements ionisants ou à des solvants. Le kit d’échantillonnage que nous avons développé permet de mesurer le niveau d’exposition à des contaminants chimiques pendant la pratique d’activités récréatives en mer, compare Farida Akcha précisant les substances ici concernées : les métaux, les pesticides, les filtres UV ainsi que des résidus de médicaments et de produits d’hygiène. En fonction de la nature des contaminants, les analyses seront effectuées soit par l’Ifremer soit par l’Université de Bordeaux.

Farida Akcha
écotoxicologue au centre Ifremer Atlantique à Nantes

Un équipement pratique et simple d’utilisation

Pour mettre au point ce kit, les scientifiques ont détourné des échantillonneurs dits passifs – qui captent certains composés chimiques ciblés présents dans l’eau de mer - de leur mode d’utilisation classique avec à la clé deux défis à relever : créer un équipement assez discret pour ne pas gêner la pratique sportive et s’assurer que les données obtenues sont fiables.

La première étape a consisté à développer un équipement ad hoc pour placer l’échantillonneur sur le sportif volontaire sans nuire à la qualité de l’échantillonnage ni à la simplicité de l’activité. Pour ce faire, les équipes du projet ont reçu l’aide du centre de recherche et de développement de Décathlon (Water Sports Center d’Hendaye) qui a développé une guêtre que le volontaire enfile sur son mollet. 

30 à 100 h d’immersion pour mesurer leur exposition aux cocktails chimiques

Pour accumuler suffisamment de contaminants chimiques présents dans l’eau à l’état de traces, les échantillonneurs doivent être immergés entre 30 h et 100 heures de manière discontinue. Plusieurs pratiquants se partagent ainsi le même kit d’échantillonnage en veillant à le stocker au réfrigérateur entre chaque utilisation.

Nous devrions obtenir les premières données au printemps 2022 et valider ainsi la fiabilité de notre kit et notre concept, espère la scientifique. Il nous faudra ensuite équiper plus de pratiquants pour estimer plus largement les concentrations en contaminants chimiques présents dans l’eau auxquelles les usagers sont exposés. Et si tout se passe bien, nous pourrons étendre l’utilisation de notre kit au-delà de la France.

Farida Akcha
Ecotoxicologue
Ifremer

À partir de ces concentrations, des modèles permettront d’estimer les doses de ces contaminants qui pénètrent dans le corps et d’évaluer ainsi les risques pour la santé.