Pêche & aquaculture

Suivi de l’écosystème du golfe de Gascogne : autant de sardines, deux fois moins d’anchois et d’étonnants bancs de crabes nageurs

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Le navire Thalassa dans le golfe de Gascogne pour la campagne Pelgas

Le Thalassa a parcouru le golfe de Gascogne du 29 avril au 30 mai 2023 pour la campagne Pelgas.

La campagne annuelle Pelgas s’est achevée le 30 mai dernier. Côte à côte, le Thalassa, navire de la Flotte océanographique française opérée par l’Ifremer, et deux navires de pêche professionnelle ont sillonné ensemble pendant un mois le golfe de Gascogne. Leur objectif : évaluer l’abondance des petits poissons pélagiques (ou poissons bleus) comme l’anchois et la sardine et caractériser leur écosystème. Les scientifiques de l’Ifremer livrent ici les tendances observées ce printemps.

D’après les indices d’abondance récoltés pendant la campagne Pelgas, la biomasse1  de sardines n'a pas évolué depuis l'année dernière et reste à un niveau moyen. Les sardines pêchées sont globalement très jeunes : 80 % ont entre 1 et 2 ans. Aucun individu de 6 ou 7 ans n’a été observé, contrairement à ce qui était le cas il y a encore quelques années ; leur absence témoigne de la fragilité de cette population. Un mauvais recrutement, c’est-à-dire une part trop faible de jeunes sardines qui atteignent l’âge d’un an, pourrait ainsi suffire à causer son effondrement. 

« La biomasse d’anchois a quant à elle été divisée par deux entre 2022 et 2023, constate Erwan Duhamel, technicien en halieutique et co-chef de mission sur la campagne Pelgas. Nous restons au-dessus du niveau critique des années de 2005 à 2009 où la pêche à l’anchois avait été fermée. Mais nous devons rester vigilants sur cette population. Les informations des collègues scientifiques espagnols seront utiles pour comparer et compléter nos analyses ».

Comme l’année dernière, la biomasse de chinchards reste à un niveau très bas. Cette espèce grandit moins vite que la sardine et l’anchois. Faute d’un bon recrutement de jeunes chinchards ces dernières années, la population décline doucement. Depuis 2022, elle est classée comme « effondrée » par le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) qui a recommandé pour 2023 de ne plus pêcher cette espèce depuis la Galice jusqu’en Écosse.

Peu de sprats ont été observés. Ce poisson, comme les jeunes anchois, aime particulièrement des eaux dessalées. Or cette année, les taux de salinité mesurés étaient plutôt élevés, comme l’an passé. L’hiver et le printemps ont été peu pluvieux, ce qui explique le peu d’eau douce apporté par les fleuves à la côte.

Un fait marquant cette année est l’observation de bancs et de couches de crabes nageurs, des animaux qui vivent dans la colonne d’eau à la différence de la plupart des autres espèces de crabes qui vivent sur le fond. « Nous observons chaque année ces crabes mais nous ne les avions jamais vus aussi nombreux et organisés en bancs. Nous avons aussi vu beaucoup d’animaux planctoniques gélatineux notamment des salpes. Et depuis juin, les pêcheurs nous disent remonter aussi beaucoup de méduses. La présence de ces crabes, méduses et salpes en quantités importantes indique un possible changement de l’écosystème, explique Erwan Duhamel, ajoutant que : il y a encore quelques années, on considérait qu’une année sur 4 était une « année à méduses » ; maintenant c’est pratiquement le cas tous les ans ».

Dernier point sensible : l’absence de maquereau espagnol (à ne pas confondre avec le maquereau commun dont la population se porte plutôt bien). Comme en 2022, peu d’individus ont été observés pendant la campagne, il est donc impossible d’évaluer leur biomasse.

  • 1La biomasse correspond à une quantité de poissons présente dans une zone précise. Elle est exprimée en tonnes.

Les scientifiques et les pêcheurs professionnels collaborent pour tendre vers une pêche durable

Chaque printemps depuis l’année 2000, le Thalassa et deux navires de pêche professionnelle réalisent une centaine d’opérations de pêche pour évaluer la biomasse des petits poissons pélagiques dans le golfe de Gascogne. Techniquement, les sondeurs acoustiques des navires permettent de détecter et de quantifier la densité des bancs de poissons. Le chalut pélagique du Thalassa est utilisé pour identifier les échos des poissons détectés, permettant de traduire les échos acoustiques en tonnes de poissons. Les pêcheurs professionnels réalisent quant à eux des chalutages supplémentaires ciblés sur des échos détectés par le Thalassa, qui aident à identifier les différentes espèces présentes. Les poissons prélevés sont triés à bord, mesurés et pesés. Les scientifiques déterminent également leur âge. D’autres données sont aussi collectées pendant la campagne sur l'ensemble de l'écosystème pélagique, afin de comprendre comment ces poissons bleus interagissent avec leur environnement physico-chimique (température, salinité, etc.), leurs proies planctoniques et leurs prédateurs (mammifères marins et oiseaux).

L’action conjointe des scientifiques et des pêcheurs permet d’obtenir des indices d’abondance précis, d’évaluer finement l’état de ces populations pour atteindre l’objectif d’une gestion durable des pêcheries des petits poissons pélagiques. Certaines données collectées, notamment pour l’anchois et le chinchard, sont utilisées par l’Union européenne pour définir les quotas de pêche. Les campagnes Pelgas sont co-financées par l’Union Européenne (notamment via le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture – FEAMPA), le secrétariat d’Etat chargé de la Mer et l’Ifremer.

Notes