Quels sont les effets des pesticides sur le milieu marin ?

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3 questions à Wilfried Sanchez, directeur scientifique adjoint en charge de la thématique « contaminants et effets sur le milieu marin ».  Wilfried co-pilote l’expertise collective « Phytopharmaceutiques – Biodiversité – Services Ecosystémiques » 2020-2022 portée par Inrae et l’Ifremer.

A ce jour, 479 herbicides, insecticides et fongicides sont autorisés en Europe. Ils sont utilisés pour traiter les parcelles agricoles mais aussi les espaces verts, les terrains de sport ou encore les infrastructures de transport. Une fois répandues, toutes ces substances peuvent gagner le milieu marin, ultime réceptacle des contaminations terrestres, et alors impacter les organismes qui y vivent.

 

Retrouve-t-on des pesticides dans tous les écosystèmes marins ?

Oui. Et c’est grâce à des moyens de détection toujours plus performants que nous savons aujourd’hui que les pesticides sont présents dans tous les milieux marins. On les retrouve dans des lagunes à des taux suffisants pour générer un risque pour ces écosystèmes confinés, mais aussi plus au large à l’état de traces. Plus surprenant : des molécules de DDT ont été découvertes à plus de 3 000 mètres de profondeur au large de la Californie. Cet insecticide fait partie des pesticides «historiques » interdits d’utilisation depuis parfois plusieurs décennies selon les pays. Persistants, 19 d’entre eux (DDT, lindane, atrazine…)  sont toujours surveillés dans le cadre de la Directive européenne cadre sur l’eau. Le problème est qu’en mer, toutes ces molécules « historiques » et les 479 actuelles peuvent se mélanger.

Comment les espèces marines sont-elles affectées par ces substances ?

Les pesticides peuvent affecter la reproduction, le développement ou encore l’immunité des organismes marins. Une étude de l’Ifremer a par exemple montré que le diuron, un herbicide, modifie la structure de l’ADN de l’huître et nuit même à sa descendance. Le développement de ce mollusque est aussi perturbé par le cuivre (fongicide) qui agit sur certains de ses gènes. Plusieurs pesticides étant souvent présents simultanément dans l’environnement marin, ces effets peuvent se cumuler de manière additive (1 + 1 = 2) voire synergique (1 + 1 > 2). A ce cocktail chimique s’ajoutent les métaux, PCB et autres hydrocarbures… Potentiellement présents dans le milieu, ils ont eux aussi des effets nocifs connus sur la biodiversité marine.

Peu exposé aux pesticides, l’étang de la Palme souffre néanmoins des effets du métolachlor. Réduire l’utilisation de cette substance dans son bassin versant permettrait de réduire le risque pour ces écosystèmes.

Que doit-on faire pour en savoir plus sur leurs impacts ?

La recherche avance. Les données sur les effets de ces molécules sont nombreuses. Mais nous avons besoin de dresser un bilan des connaissances disponibles et d’identifier nos lacunes sur le sujet. C’est l’objectif de l’expertise scientifique collective quInrae et l’Ifremer conduisent dans le cadre du plan Ecophyto II+, sur les impacts des pesticides sur la biodiversité et les services qu’elle nous rend. Ses conclusions seront rendues en 2022. Sans attendre, nous devons travailler à mieux prendre en compte la réalité de la contamination de l’environnement marin : chaque molécule est souvent présente dans de faibles concentrations, les cocktails chimiques sont variés, leurs effets peuvent se cumuler avec des répercussions en cascade sur les espèces et leur milieu de vie. Mieux comprendre et être capable de reproduire cette complexité dans nos expérimentations est un défi de taille mais essentiel si l’on veut savoir comment agir efficacement à terre pour protéger l’océan.