Peut-on stimuler l’immunité des huîtres creuses ?

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3 questions à Benjamin Morga, chercheur en virologie au LGPMM à La Tremblade, et Caroline Montagnani, directrice adjointe de l’unité IHPE à Montpellier, qui ont coordonné le projet STAR1 .

La principale espèce d’huître creuse exploitée est Crassostrea gigas. Cet organisme marin subit des mortalités très importantes depuis 2008, associées à un virus appelé OsHV-1 pour ostreid herpesvirus 1. Les stades naissains (huîtres de moins d’un an) sont particulièrement affectés partout en France mais aussi dans d’autres pays en Europe et dans le monde. Les taux de mortalité pour cette classe d’âge sont supérieurs en moyenne à 50 % et peuvent atteindre jusqu’à 90 % selon les zones.

Les moyens de lutte contre cette maladie sont limités. Or les scientifiques ont découvert que les mollusques ont une sorte de mémoire immunitaire qui peut être stimulée. L’Ifremer a ainsi développé une technique qui permet de protéger en laboratoire les huîtres contre ce virus.

Est-ce que votre découverte ouvre la voie à une vaccination de l’huître contre l’infection  à OsHV-1 ?

Non, on ne peut pas parler de vaccination au sens conventionnel du terme pour l’huître car cet animal, contrairement à l’humain, ne produit pas d’anticorps. Néanmoins, notre découverte permet bien de stimuler sa mémoire immunitaire. Le principe est de mimer une infection avec le même virus OsHV-1 préalablement inactivé, pour permettre à l’huître de développer les armes qui lui permettront ensuite de lutter contre le virus. Les individus ainsi stimulés survivent à 100%, la preuve de concept est donc aboutie.

Est-ce que ce procédé est applicable hors du laboratoire ?

Nous en sommes encore à un stade de recherche préliminaire. Nous devons en effet confirmer et vérifier la durée de la protection du naissain vis-à-vis de l’infection. Les premiers résultats sont encourageants car la période de protection est de plusieurs mois et permet aux huîtres de franchir le stade naissain (12 mois). L’étape suivante sera d’identifier, avec les utilisateurs potentiels, les possibles modalités d’application d’une telle approche.

Y a-t-il un risque pour l’environnement ou pour le consommateur ?

Il faudra du temps avant que notre solution soit appliquée sur des huîtres commercialisées, et cette question fait partie des points que nous allons vérifier. C’est a priori un point fort du procédé : nous utilisons, après l’avoir inactivé, un virus déjà présent dans le milieu marin et qui n’a aucun impact sur la santé des consommateurs.

Cette découverte a été permise grâce aux expérimentations menées à la station Ifremer de La Tremblade tout juste rénovée.

  • 1Projet interne Ifremer STAR (Stimulation Antivirale de l’huitre creuse – 2019/2021).

Notes