Une amélioration au ralenti, un renouvellement des populations de poissons adultes fragilisé

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Lors des campagnes d’évaluation des populations de poissons, des scientifiques mesurent la taille et pèsent les poissons prélevés.

Lors des campagnes d’évaluation des populations de poissons, des scientifiques mesurent la taille et pèsent les poissons prélevés.

Dans l’hexagone, la part des volumes de poissons issus de populations exploitées durablement est passé de 18% en 2000 à plus de 50 % depuis 2017 (56% en 2022). La situation reste encore loin des objectifs fixés par la Politique commune de la pêche (100% de populations pêchées au niveau du RMD) et par la Directive cadre stratégie pour le milieu marin (tous les stocks en bon état).

L’augmentation légère de la part des populations en bon état en 2022 provient essentiellement de l’amélioration de l’état du lieu noir de mer du Nord - Ouest Écosse (3% des débarquements). Quelques autres populations ont changé de catégorie, en s’améliorant (par exemple la sole de mer du Nord) ou en se dégradant (comme le bar dans le golfe de Gascogne et la sole en Manche Ouest), mais ces variations concernent des volumes peu importants et n’ont donc qu’un impact limité sur la situation nationale.

L’un des facteurs essentiels de la durabilité repose sur la capacité des populations de poissons à se renouveler. Pour cela, il faut non seulement que les adultes participent à la reproduction en proportion suffisante, mais aussi que les jeunes survivent jusqu’à un âge où ils pourront eux-mêmes se reproduire. Or dans le milieu naturel, on estime qu’environ seul un œuf sur 100 000 survivra jusqu’à devenir un poisson adulte.

Clara Ulrich
Clara Ulrich
Coordinatrice des expertises halieutiques à l’Ifremer

De nombreuses populations restent ainsi fragiles même lorsque l’exploitation est au niveau du rendement maximal durable, car leur maintien dépend d’une bonne reproduction chaque année. Par exemple, le recrutement de jeunes soles est en nette baisse dans le golfe de Gascogne depuis la fin des années 2000 (voir encadré p. 4), malgré une biomasse de reproducteurs jugée satisfaisante. Ce sujet est d’autant plus préoccupant pour les populations en mauvais état, plus sensibles aux facteurs anthropiques et environnementaux susceptibles d’affecter leur renouvellement, et pour lesquelles une vigilance accrue est nécessaire. C’est le travail qui a été mis en place à partir de 1999 pour le merlu de l’Atlantique, dont la population était effondrée jusque dans les années 1990 et demeurait chancelante à cause d’une chute du recrutement de jeunes poissons. Leur capture, alors qu’ils ne s’étaient pas reproduits, mettaient en danger cette population, jusqu’à la mise en place d’un plan d’urgence en 2001. Les efforts consentis et des conditions climatiques favorables ont permis à la population de se rétablir dans l’Atlantique à partir de 2005.

Chez les espèces au cycle de vie court, comme la sardine, les populations peuvent varier fortement et rapidement. Lors de la campagne Pelgas 2023 dans le golfe de Gascogne, la quantité de sardines (biomasse) était la même qu’en 2022, mais 80% des individus observés étaient âgées de 1 à 2 ans atteignant à peine leur maturité sexuelle. Un tel taux d’individus jeunes dans la population témoigne de sa fragilité : une baisse du succès de la reproduction peut alors rapidement empêcher le renouvellement de la population adulte et conduire à une forte baisse de sa biomasse voire à son effondrement.

Le recrutement, un facteur-clé de l’état des populations de poissons

Le recrutement désigne le nombre de jeunes individus qui ont survécu à la phase larvaire et qui ont atteint une taille suffisante pour être capturables par les engins de pêche. En fonction de la biologie de l’espèce (croissance et maturité) et de la sélectivité des engins, ces individus sont souvent encore des juvéniles. Le renouvellement de la population requiert donc que suffisamment de ces jeunes puissent atteindre l’âge adulte sans être capturés, afin d’assurer la reproduction. Pour les poissons ayant une espérance de vie longue, l’exploitation au RMD permet normalement qu’une part importante de ces adultes puissent même se reproduire plusieurs fois. L’objectif est que la population adulte soit constituée de plusieurs classes d’âge et soit ainsi plus stable et plus résiliente aux fluctuations annuelles du succès de la reproduction.